Plantes exotiques envahissantes : comprendre les enjeux et agir collectivement

Enquête - Le 29 août 2024



Invasion de carpobrotus en Haute-Corse, plantes invasives connues sous l’appellation de « griffes de sorcières ». © Morgane Moënne.

Certaines plantes exotiques introduites en France, intentionnellement ou accidentellement, peuvent acquérir un avantage compétitif dans un territoire nouveau et devenir localement dominantes dans des milieux spécifiques. Ces espèces, appelées plantes exotiques envahissantes (PEE), présentent des risques pour la biodiversité, la santé humaine ou les activités économiques. Afin d’améliorer leur gestion, il est primordial de mobiliser l’ensemble des acteurs de la filière horticole autour d’approches préventives et des outils existants.

 

Plantes exotiques envahissantes : quels enjeux ?

Dans certains cas, la prolifération des PEE prive les espèces indigènes de ressources et d’espace, ce qui entraîne une baisse préoccupante des populations locales. Leur présence peut également modifier la structure et le fonctionnement des écosystèmes, venant ainsi perturber les chaînes alimentaires et les cycles naturels. Par ailleurs, ces plantes invasives soulèvent des problématiques importantes sur le plan sanitaire, avec l’apparition de fortes réactions allergiques chez de nombreux individus. C’est le cas de l’ambroisie, une plante annuelle dont le pollen est hautement allergisant. En outre, elles peuvent causer des problèmes économiques significatifs : baisse des rendements agricoles et compromission de plusieurs activités touristiques ou de loisirs, notamment lors de l’invasion de plans d’eau par des PEE.

Les plantes dites exotiques ne sont cependant pas forcément invasives, tout comme une plante indigène peut dans certains cas devenir envahissante, lorsque son taux de reproduction est très élevé et conduit à la prolifération.

Ainsi, la très grande majorité des plantes exotiques reste inoffensive, puisque seule une sur mille risque de devenir envahissante dans son territoire d’introduction. Elles s’intègrent de manière harmonieuse à l’environnement, composante de la palette végétale indispensable à la stabilisation des sols, à la prospérité de la faune locale, au rafraichissement, à l’embellissement du cadre de vie etc.

 

L’importance d’une réglementation à l’échelle européenne

Afin de minimiser les impacts négatifs des PEE, il est essentiel d’établir un cadre légal robuste à l’échelle européenne. Dans cette optique, le règlement 1143/2014 du 22 octobre 2014 a été adopté pour traiter les menaces posées par les espèces exotiques envahissantes, végétales et animales (EEE) au sein de l'Union européenne. Mises en application depuis 2016, ces mesures impliquent une vigilance continue, une coopération transfrontalière et une gestion adaptative pour répondre aux défis émergents posés par les EEE. Elles reposent notamment sur l’établissement d’une liste régulièrement mise à jour, qui a permis d’identifier 40 espèces végétales comme envahissantes. Ces dernières sont interdites d’importation, de détention, de commercialisation ou encore d’introduction dans l’environnement.



Les professionnels, acteurs clés de la lutte contre les PEE

Les professionnels de l'horticulture, du fait de leur expertise et de leur implication directe dans la production, la vente et l'utilisation des végétaux, jouent un rôle crucial dans la gestion des PEE. En acceptant de respecter les 7 engagements du Code de conduite, les professionnels contribuent significativement à limiter leur propagation et à protéger la biodiversité. Ils sont tenus d’une part, de connaître la réglementation et les listes relatives aux PEE et de se tenir informés de leur évolution, de participer à leur détection et d’arrêter leur production, vente, prescription et/ou utilisation lorsqu’elles figurent dans la liste de consensus. D’autre part, ils acceptent de suivre les restrictions d’utilisation des plantes soumises à recommandation, de promouvoir l’utilisation de plantes de substitution et de communiquer de l’information sur les PEE.

En pratique « L’introduction des PEE doit effectivement être régulée, mais les listes de plus en plus souvent imposées dans le cadre des chantiers de paysage sont parfois contradictoires et restrictives, limitant la palette végétale disponible. Il est donc indispensable de travailler avec le déjà-là, en privilégiant le milieu existant grâce aux recommandations des botanistes et des écologues. Un dialogue doit être engagé entre les différents acteurs pour trouver des solutions adaptées à chaque contexte et concilier les approches »1, explique Dany Hermel-Wiart, paysagiste concepteur au sein de l’agence Trouillot & Hermel.

Au-delà de ces engagements formels, les professionnels sont encouragés à sensibiliser le grand public et les différentes parties prenantes autour de ces problématiques. Pour soutenir cette mobilisation, des outils pédagogiques tels que des brochures, des affiches pour les points de vente et des flyers sont mis à leur disposition. Ces dispositifs sont également précieux pour les entreprises du paysage, afin de les aider à mieux identifier les PEE et prévenir leur propagation sur les chantiers d’aménagement et d’entretien.

Selon Anne Marchand, présidente de l’association Hortis, « les mesures de prévention d’introduction des PEE et de leur gestion doivent s’accompagner d’une culture commune d’observation des milieux et d’échanges interrégionaux. Certains végétaux, malgré leur caractère invasif, méritent une approche plus nuancée. C’est le cas de l’ailanthe, qui présente des facultés incroyables pour casser des sols en bitume en milieu urbain, particulièrement en Ile-de-France. Ainsi, une gestion plus souple intégrant le laisser-faire pourrait être envisageable pour favoriser l’autorégulation »1. Par ailleurs, certaines collectivités organisent des plans d’action spécifiques pour la gestion des plantes invasives. La ville de Tours mène par exemple une lutte active contre la Jussie, une plante extrêmement invasive qui menace les écosystèmes aquatiques en Indre-et-Loire. Depuis plusieurs années, des opérations d’arrachage systématique sont initiées et consistent en l’intervention d’un bateau faucardeur, pour la coupe et le ramassage de la Jussie. Une méthode qui s’est avérée efficace pour l’éradication de cette espèce, les premiers résultats étant visibles après deux ou trois ans de mise en pratique.

De son côté, Plante & Cité a également rassemblé des retours d’expérience de pratiques de gestion des plantes envahissantes : GUERIN M., HEDONT M., 2019, Plantes envahissantes : Pratiques des gestionnaires d’espaces verts - Recueil d’expériences, Plante & Cité, Angers, 56p, 2019.

 

1 Podcast de la journée UICN de mars 2024.