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Le quartier Andromède à Toulouse, primé aux Victoires du Paysage 2012. © VAL’HOR.
Érosion de la biodiversité, îlots de chaleur, risques d’inondations… Face aux effets pervers des villes minérales, il n’a jamais été aussi urgent d’appréhender les questions de nature et d’urbanisme dans une vision d’ensemble. Au cœur de cette réflexion se trouve le paysagiste concepteur, véritable maître d’œuvre de nos aménagements extérieurs.
Depuis 2017 et la reconnaissance du titre de paysagiste concepteur, les donneurs d’ordre peuvent identifier plus facilement ces professionnels qui interviennent dans la conception même de nos villes. Le paysagiste concepteur est en effet un créateur, comme l’architecte. Mais alors que ce dernier intervient sur les
« pleins », comme les bâtiments, le paysagiste concepteur intervient sur les
« vides » : les infrastructures urbaines (routes, rues, tramway…), esplanades, lieux de passage et de connexion, réseaux d’irrigation, parcs… « Or, les vides sont les éléments les plus structurants d’une ville », indique Jean-Marc Bouillon, président de la Fédération française du Paysage.
« Si cette structure primaire de la ville est mal conçue, tout ce qui sera construit dessus ne pourra pas être durable. De nombreux dysfonctionnements apparaissent dans nos villes, dus au non-respect des fondamentaux de notre écosystème. Cela concerne par exemple la gestion de l’eau de pluie, de la chaleur, de la qualité de l’air : des domaines au cœur de l’expertise du paysagiste concepteur. Ce dernier n’est donc pas le complément mais le préalable aux projets urbains. » Le paysagiste concepteur est ainsi amené à conseiller les collectivités en amont dans la définition de leur stratégie territoriale et l’élaboration de leurs documents de planification : SCOT, PLUi, ZAC, atlas, chartes et plans de paysage, protection et mise en valeur des espaces naturels, infrastructures, stratégies paysagères à l’échelle des territoires… Il intervient par ailleurs lors de la mise en œuvre des projets, de façon à les faire bénéficier des fonctions écosystémiques de la nature.
Les quartiers des rives du Blosne à Chantepie, réalisation primée aux Victoires du Paysage 2012. © VAL’HOR.
À l’échelle d’une place ou d’un quartier, le paysagiste concepteur agit par ailleurs en véritable maître d’œuvre des aménagements extérieurs. Il transforme le programme du donneur d’ordres en une création répondant à des objectifs à la fois fonctionnels, sociaux, écologiques, esthétiques et culturels. L’histoire d’un lieu et l’usage des habitants sont au cœur de sa démarche. « Les paysagistes concepteurs partagent une approche à la fois globale et inscrite sur le long terme. Ils prennent en compte l’évolution du milieu naturel et prévoient des modes de fonctionnement et d’entretien simples et économes », explique Jean-Marc Bouillon. Pour cela, ils travaillent en étroite relation avec les producteurs de végétaux, pépiniéristes et horticulteurs, ainsi qu’avec les entreprises du paysage qui mettent en œuvre leur projet. Par leur maîtrise conjuguée des éléments de l’urbanisme et de la nature, les paysagistes concepteurs sont les garants de la réintroduction de grands principes naturels dont les villes se sont trop souvent affranchies. Une négligence qu’elles paient cher, d’un point de vue environnemental comme financier. C’est le cas par exemple des systèmes d’assainissement des eaux de pluie. Ces derniers, considérés comme des infrastructures préalables de la ville, ont été conçus comme un réseau complexe de tuyaux pour la plupart enterrés en profondeur et convergeant vers des stations de traitement. Or, avec des systèmes urbains toujours plus denses conjugués à des pluies de plus en plus fortes, ces réseaux d’assainissement statique arrivent à saturation. La ville déborde, générant des désordres de plus en plus violents et des frais d’entretien très élevés pour les municipalités : renforcements, curage des canalisations, épuration des eaux... Face à cette situation, la solution est entre les mains du paysagiste concepteur : si l’on installe des voies d’eau en pente vers des espaces verts en creux et non en butte, l’eau de pluie est gérée beaucoup plus facilement. Et avec des frais d’entretien bien moindres.
Par la conception d’espaces verts et l’intégration de végétation au sein des aménagements, le paysagiste concepteur joue par ailleurs un rôle de premier ordre dans la transition écologique des villes. 10 % de végétation supplémentaire en ville entraînerait ainsi une baisse des températures de 2°C. Les végétaux permettent également de stocker le CO2 et de filtrer les polluants. Avec le paysagiste concepteur, ce sont des villes vertes qui se dessinent, en phase avec les attentes des citadins. Plus de 8 Français sur 10 souhaitent ainsi vivre à côté d’un espace vert, et 60 % estiment que la création d’espaces verts devrait être la priorité numéro 1 de leur municipalité, avant même la création de crèches et d’équipements culturels. Avec 53 % des suffrages, « une ville qui remet la nature au cœur de la ville » arrive par ailleurs en tête des critères de la ville de demain attendue par les Français1. Un modèle de ville au sein duquel les paysagistes concepteurs sont amenés à jouer un rôle central.
1 Enquête NewCorp Conseil réalisée en ligne du 15 au 28 décembre 2017, auprès d’un échantillon national représentatif (méthode des quotas) de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus.