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Square Louis Bureau. © Ville de Nantes / Stephan Menoret.
Accorder plus d’importance au végétal en ville, cela peut passer par l’introduction d’espèces fruitières et potagères.
Parmi tous les bienfaits du végétal, son caractère parfois nourricier lui confère une place utilitaire et mesurable au quotidien en milieu urbain. Même si cette production ne prétend pas résoudre tous les problèmes d’approvisionnement d’une ville, elle peut répondre à une demande accrue pour des fruits et des légumes locaux, dans un contexte de revalorisation du travail de la terre jusqu’au consommateur final.
De nombreuses collectivités sont à l’initiative de projets qui, par leurs investissements et leur portée, sont de véritables organisations incorporées à l’espace public et capables d’apporter un appoint alimentaire significatif.
À Nantes, la situation sanitaire a été le catalyseur pour la mise en œuvre d’espaces solidaires de cultures. En mai dernier, à l’issue du premier confinement, des associations alertent les décideurs locaux sur la diminution du nombre de produits frais pouvant être distribués, concomitante à l’étude d’un « baromètre précarité » indiquant que 61 % des plus démunis en manquent quotidiennement. La conjonction de ces deux éléments a mené à l’instauration de potagers solidaires, pilotée par le Service des Espaces Verts qui s’est adjoint l’aide du CCAS (centre communal d’action sociale) pour la distribution des denrées. Cette initiative fait écho à celles déjà prises historiquement par la ville lors des deux guerres mondiales, avec le Service municipal des cultures en 1914-18, visant la distribution de légumes frais aux habitants, et en 1939-45, avec l’institution d’un Service municipal des plantations pour alimenter en légumes les restaurants.
« Pendant le premier confinement, nous avons connu une recrudescence de demandes d’aides sociales de la part de certains foyers nantais parmi les moins fortunés, notamment à cause de la fermeture des crèches et des écoles, car il leur était plus difficile de nourrir leurs enfants en l’absence de services de restauration scolaire », explique Julie Laernoes, adjointe à la maire de Nantes en charge de la prospective et de la résilience.
La réalisation a nécessité la transformation et la mobilisation d’espaces horticoles afin d’atteindre l’objectif des 2,5 hectares cultivables, répartis sur deux pépinières communales et de nombreuses parcelles visibles en ville : au total, ce sont 52 sites qui ont été investis ! Un tiers des jeunes plants potagers recueillis provient des pépiniéristes locaux qui n’avaient pas écoulé leurs stocks à cause de la crise ; le reste a été acheté à l’extérieur. Grâce à l’aide des parties prenantes sur lesquelles ce projet s’est appuyé pour les différentes phases de plantation, d’entretien et de récolte, ce sont au total 20 tonnes de produits frais qui ont été collectées et distribuées.
« La ville d’aujourd’hui a changé ! Il y a des potagers un peu partout et, si leur production reste marginale à l’échelle d’une ville comme Nantes, elle représente un vrai apport pour les habitants. Ces initiatives prennent tout leur sens lorsqu’on envisage que les attributaires sont des personnes démunies qui peuvent difficilement s’approvisionner ailleurs comme des foyers en situation précaire… », explique Romaric Perrocheau, directeur du Service des Espaces Verts et de l’Environnement, à l’origine du projet. Le retour d’expérience a donc été plus que positif : « Ça ne fait pas que rassembler les gens, ça les attire ! », ajoute-t-il au sujet des nombreux échanges qui se sont établis entre bénévoles et bénéficiaires.
« La question de l’agriculture urbaine peut sembler un gadget, mais elle contribue à l’alimentation des Nantais et permet de recréer du lien entre les urbains déconnectés de la terre et de leur alimentation », conclut l’adjointe au maire.
Récolte à la pépinière du Grand Blottereau. © Ville de Nantes / Stephan Menoret.
À Vauréal, une commune du Val d’Oise appartenant à la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise (95), le projet de verger s’inscrit dans une dynamique de réhabilitation. Les 4000 m2 qu’il occupe étaient laissés à l’abandon, sans entretien, ouverts à la circulation des riverains et devenus un lieu de stockage des encombrants et des déchets. Le but était donc de se ressaisir de cet espace et de se le réapproprier. La parcelle comportait déjà un patrimoine arboré, une trentaine d’arbres fruitiers, qui ont été gardés et auxquels sont venus s’ajouter 24 nouveaux arbres (56 au total) en décembre 2019. Le choix d’essences très variées (cognassiers, pommiers, pruniers, poiriers, merisiers, oranger des Osages, etc.) a été l’occasion de privilégier les pépinières régionales. Le verger, toujours en cours d’aménagement, a désormais un accès réservé aux associations et aux manifestations à but pédagogique ou favorisant l’alimentation locale : le centre social réalise par exemple des ateliers de fabrication de confiture avec les fruits cueillis. Le réaménagement et la réglementation participent de la création d’un espace pensé comme un sanctuaire de biodiversité, accueillant des espèces végétales et animales (nichoirs, buttes pour les pollinisateurs, rucher, etc.) conçu comme un écosystème à part entière, favorisant le bon développement de la nature en milieu urbain.
Sa mise en place a été favorisée par un pilotage communal entièrement mené en interne avec les agents de la collectivité, notamment des Services Techniques et du Secteur Espaces Publics qui se sont fortement mobilisés.
« Le personnel doit être doté d’une appétence pour la thématique et disposer d’une formation adéquate. Nous avons la chance d’avoir un responsable des Espaces Publics complètement intégré dans cette dynamique et particulièrement intéressé par le développement durable », explique David Bedin, conseiller municipal délégué au Développement durable et aux Mobilités.
Cette initiative souligne la volonté de la commune de créer des sanctuaires végétaux, comme en témoigne la pluralité de ses espaces verts : jardins école à vocation pédagogique, jardinières citoyennes, jardins aromatiques, jardins partagés, jardins collectifs… Au total, ce sont 3,5 hectares qui sont mis à disposition des associations, notamment d’insertion professionnelle, une cinquantaine d’espèces de légumes récoltés, un système de paniers de produits frais bio, etc.
« Le plus important dans ce type de projets, c’est leur dimension pédagogique, l’éveil qu’ils suscitent, la formation aux sciences participatives et la simplicité de se saisir de ces sujets en interne pour des résultats rapides et une plus-value pour la commune et ses habitants », conclut David Bedin.
Arbres fruitiers du verger de Vauréal. © Ville de Vauréal / DR.
Le végétal nourricier intéresse de plus en plus, compte tenu de l'instabilité du contexte actuel et des problématiques écologiques, pédagogiques et d’autonomie alimentaire. Il apparaît comme faisant partie de la solution et son développement est soutenu par la filière de l’horticulture et du paysage : il doit prendre appui sur la bonne formation des acteurs de terrain pouvant être amenés à jouer un rôle dans sa mise en place.