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Aménagement pour la communauté d’agglomération du plateau de Saclay, éco-quartier Camille Claudel à Palaiseau. © VAL’HOR.
Alors que la ville est plus que jamais victime de dérèglements climatiques tels que les sécheresses et les pluies intenses, il est nécessaire de repenser la gestion de l’eau en ayant recours aux mécanismes naturels de régulation.
Lorsque Frédéric Ségur, le directeur Arbre et Paysage du Grand Lyon, affirme que « notre système est schizophrène », il souligne l’ambivalence du réchauffement climatique. D’une part, les fortes précipitations engendrent des débordements, notamment causés par la saturation dangereuse et coûteuse des réseaux « classiques » de canalisations. D’autre part, les canicules à répétition ont démontré la gravité de la sécheresse tant pour la flore que pour la population. C’est pourquoi la gestion de l’eau doit aujourd’hui être entièrement repensée pour garantir la durabilité de nos villes. Ces dernières années, cette compétence s’est petit à petit vue confiée aux services des espaces verts. Pierre Georgel, architecte, paysagiste et urbaniste, explique ce phénomène logique : « Alors que les surfaces minérales rejettent l’eau au sein des canalisations, les sols poreux et végétalisés la retiennent et l’évaporent. Plus nos villes auront d’espaces végétalisés, plus la gestion des épisodes pluvieux et des crues sera facilitée. » La ville de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), a ainsi mis en place un réseau de noues végétales dans la ville qui débouchent dans l’un de ses espaces verts, le parc du Bord de l’eau. Grâce à un travail de nivelage très fin, les eaux y sont acheminées puis infiltrées. Cette régulation naturelle limite dorénavant de dangereux débordements dans les quartiers alentour.
Le parc du Bord de l’eau à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). © DR.
Marc Barra, écologue au sein de l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France, insiste sur l’importance de végétaliser : « Il faut prévoir un maximum d’espaces verts en pleine terre et non tassés. Si la pleine terre n’est pas possible, comme pour la voirie ou les trottoirs, des revêtements drainants, végétalisables ou non, existent. » Outre les palettes végétales, les arbres participent également à réguler l’eau de ruissellement. Le chêne adulte par exemple capte près de 200 litres d’eau par jour. « Quand il n’y a de place que pour des arbres, comme sur certains trottoirs très fréquentés, nous utilisons la technique de Stockholm, détaille Frédéric Ségur (lire son interview). Cette pratique, mise en place dans la capitale suédoise, consiste à refaire les sols pour qu’ils répondent à la fois aux exigences de portance de la voirie et de gestion de l’eau. »
Les berges du Rhône à Lyon sont parsemées de noues végétalisées. © VAL’HOR.
De fait, de nombreux lieux urbains se prêtent à cette végétalisation synonyme de régulation de l’eau. « Depuis plusieurs années, toutes les surfaces végétales du Grand Lyon sont pensées pour gérer l’eau de pluie, déclare Frédéric Ségur. Nous avons mis en place des projets diversifiés : jardins de pluie, noues, zones de dépression, zones infiltrantes. L’idée est de combiner ces solutions selon l’endroit et l’espace disponible au sein de la ville. » De l’espace exploitable, les villes n’en manquent pas : trottoirs, parkings, cours d’immeuble, façades… et même toitures. Avec de nouvelles techniques de végétalisation des bâtiments, les entreprises du paysage peuvent contribuer à une meilleure captation des eaux pluviales. Caroline Chiquet en a témoigné lors de la journée débat « Palette végétale » organisée par la FNPHP le 16 janvier dernier : « On essaye de gérer l’eau dès la toiture, avant qu’elle n’arrive sur le sol de la ville. Grâce à notre système de drainage, on peut mettre quasiment n’importe quelle plante sur les toits, en choisissant bien sûr des palettes végétales consommatrices en eau. La végétalisation des toits ouvre de nouvelles potentialités et permet de modifier la manière de gérer les flux dans la ville. » Un système qui a déjà fait ses preuves : au sein de l’écovillage des Noés (Val-de-Reuil), primé aux Victoires du paysage en 2018, les toitures-terrasses tamponnent les eaux pluviales, avant de les rediriger vers un parc paysager où elles s’infiltrent.
L’écovillage et le parc des Noés (Val-de-Reuil). © VAL’HOR.
Selon une étude comparative des techniques de gestion de l’eau menée récemment à Nanterre par l’Agence régionale de biodiversité en Île-de-France, ces mesures de régulation naturelle des flux sont moins coûteuses que les canalisations. « Les premiers résultats montrent que les noues végétalisées sont une solution plus économique que les tranchées drainantes, indique l’écologue Marc Barra. L’étude montre que le coût annuel pour gérer 1 m3 d’eau pluviale par le réseau alternatif mis en place dans le parc de Chenevreux est compris entre 6,33 et 11,06 euros/m3, tandis que celui de l’infrastructure grise de la rue Anatole-France est évalué à au moins 37,07 euros/m3, pour la même quantité d’eau ! » Pour Pierre Georgel, les communes ont tout à y gagner. « Au-delà de leur efficacité, les infrastructures végétales sont des investissements visibles qui profitent à tous les habitants par leur aspect récréatif : tout l’inverse des systèmes de canalisation actuels où l’argent est sous terre. »
Pour en savoir plus, consulter la Lettre Cité Verte Hors-série de novembre 2018
Le choix des végétaux et l’entretien des sols sont des dimensions essentielles à la gestion naturelle des eaux. Le directeur Arbres et Paysage du Grand Lyon, Frédéric Ségur, nous livre son approche et revient sur les initiatives mises en œuvre au sein d’un territoire volontariste en la matière.
En quoi les infrastructures vertes peuvent-elles aider les communes à mieux gérer les eaux de pluie et comment mettre en œuvre ces « quartiers éponges » ?