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©️ Pépinières Drappier
Supervisée habituellement par un maître d’œuvre, la fourniture de végétaux, repose sur une transaction entre un acheteur (maîtrise d’ouvrage en direct ou entreprise de paysage attributaire) et un producteur (pépiniériste, semencier, horticulteur… voire un négociant intermédiaire) pour garantir un approvisionnement dans le respect de caractéristiques techniques précises. Depuis 25 ans, l’offre du marché européen était excédentaire par rapport à la demande. Suite à la disparition de nombreux producteurs européens, cet équilibre s’est depuis peu renversé, imposant aux professionnels de la filière du paysage de faire évoluer les pratiques techniques et commerciales pour sécuriser le bon achèvement du chantier. Éclairage.
L’année 2020 a mis en lumière trois facteurs qui, conjugués et alimentés par la crise sanitaire, bousculent et remettent en question les critères de production et les méthodes d’achat : une concentration de l’offre et de la demande à l’échelle européenne, une production en baisse, une évolution attendue de la palette végétale alors que ses cycles de production sont longs. Sécuriser les approvisionnements en fixant des règles commerciales plus claires dans l’ensemble de la filière est un véritable enjeu aujourd’hui. Encore faut-il intégrer les spécificités et les contraintes propres à ce secteur.
« La production de plantes pour les espaces verts est une production agricole à tous égards. Elle subit les aléas du climat, du temps qui dure et du tempo des plantes », explique Michel Le Borgne, gérant de la pépinière Drappier et vice-président de la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières (FNPHP). Elle suppose par ailleurs un investissement dans de nouveaux taxons1, un pari sur l’avenir en fonction de l’évolution du climat, des attentes collectives, mais aussi des risques phytosanitaires, du financement des entreprises plus ou moins compétitif en France et, bien sûr, de la rentabilité des pépinières.
« Les prix doivent pouvoir être valables uniquement pour une durée déterminée, poursuit Michel Le Borgne, comme pour toute autre denrée périssable ». Ensuite, il s’agit de promouvoir la réservation avec acompte des plantes dès l’attribution du marché, des frais de garde si les plantes sont livrées plus tard que prévu, la mise en place de contrats de production. Dans ce cadre, le respect du projet initial du concepteur, négocié avec le client, est tout aussi fondamental, même s’il a été entériné sous une autre mandature que celle en responsabilité au moment de la mise en œuvre. Ces règles des transactions sont à intégrer, lors de l’écriture des marchés : possibilité de pourvoir à des achats précoces, de moduler le calendrier de plantation et de livraison en cas de besoin et, cas extrême, indemnités en cas de non livraison.
Le décalage dans le temps entre les mises en production en amont et les chantiers en aval est une contrainte. Les maîtres d’œuvre doivent donc connaître les productions disponibles pour adapter leurs préconisations au plus près de l’évolution de la palette végétale et des disponibilités régionales, et, surtout, marquer-réserver les plantes le plus tôt possible.
« Pour compléter certaines lignes de végétaux, les pépinières peuvent être amenées, le cas échéant, à acheter ou vendre des végétaux issus d’autres entreprises de production, y compris européennes, pour compléter leur gamme », développe Véronique Brun, chargée de mission au pôle Paysage de la FNPHP. En assumant le rôle d’interlocuteur, voire de référent régional unique, elles mettent leurs connaissances du végétal au service du projet pour assurer la conformité des plantes ainsi que leur traçabilité spatiale, technique et sanitaire. Elles favorisent de ce fait les plantes locales et régionales – a priori les mieux appropriées au territoire – et garantissent la totalité de la fourniture (au bénéfice de l’acheteur).
Aujourd’hui en France, sous le seuil estimatif de 40 000 euros HT2, tout acheteur peut se tourner directement vers des prestataires locaux, sans publicité ni mise en concurrence préalable.
Pour le maître d’ouvrage, la fourniture de végétaux peut prendre trois formes :
À ces trois formes peuvent être associés deux types de contrats :
Enfin, et ce n’est pas neutre, cela limite aussi les destructions en pépinière qui sont un gouffre financier et un désastre écologique.
Végétalisation des terrasses du Biotope de Lille ©️ Pépinières Drappier
À titre d’exemple positif, en 2019, les pépinières Drappier ont assuré, pour le compte de Bouygues, la végétalisation des terrasses du siège de la Métropole Européenne de Lille dans le cadre d’un contrat de culture hors-sol de 8 mois (Henning Larsen Architects et Entreprise d’espaces verts Le Prieuré). Cet accord a permis la mise en œuvre concertée et très technique d’une palette végétale locale et résiliente (135 arbres en cépée et conifères, une des plus vastes toitures végétalisées de la région), le respect des formes aériennes et racinaires attendues et un excellent taux de reprise sur site. « La démonstration que produire sous contrat est une réponse puissante et qualitative pour réussir des projets ambitieux », conclut Michel Le Borgne.
La plante est la partie vivante d’un paysage, celle qui qualifie et valorise un chantier d’aménagement et, surtout, sa vie ultérieure. L’achat des végétaux, plus encore que du minéral ou du mobilier ainsi que le choix des professionnels qui le fournissent, le mettent en œuvre et l'entretiennent, doit être raisonné.
1 Terme utilisé pour définir un ensemble d'êtres vivants partageant certaines caractéristiques, à partir desquelles est établie leur classification, en l’occurrence les espèces de végétaux.
2 Voir le décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019, modifiant le Code dans son article R2122-8.
3 Voir le Guide « Du fleurissement aux espaces verts pour une commande publique raisonnée en aménagements paysagers », AMF/VALHOR, page 14.