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Le square de l’Amiral Halgan, à Nantes, a été inauguré le 21 juin 2019 après un mois de travaux. L’objectif : le rendre plus sûr, contemporain et facile à gérer. © Ville de Nantes.
La bonne nouvelle est enfin tombée : parcs et jardins peuvent rouvrir dans l’Hexagone. Pique-niques, retrouvailles entre amis, balades ludiques... les espaces verts seront le théâtre de nombreuses activités cet été. Dans un tel contexte, il est essentiel de veiller à la sécurité des usagers face aux éventuels débordements, dégradations ou actes malveillants. Des collectivités partagent leurs techniques pour préparer ce « retour à la normale », avec des sujets tels que la tranquillité des usagers qui gardent toute leur importance.
Évoquée par la quasi-totalité des candidats aux municipales 2020, la sécurité est un enjeu d’une importance capitale pour une commune, participant notamment de sa bonne réputation. « La sécurité et la tranquillité ne doivent cependant pas être confondues, souligne Cédric Enyenge-Essombe, ingénieur territorial à Nantes. La sécurité, c’est la non-exposition à un danger, tandis que la tranquillité est liée à l’état d’inquiétude de la population dans un endroit donné. » Dans notre système actuel, très normé, la sécurité des espaces verts repose sur des réglementations strictes, concernant notamment le mobilier, les jeux ou encore l’approvisionnement en eau. Loïc Mareschal, directeur de l’agence de paysage Phytolab basée à Nantes, confirme qu’« aujourd’hui, tous les projets urbains comportent des études spécifiques, ce qui n’était pas le cas il y a quinze ans : la sécurité est devenue une priorité, en amont de tout aménagement. Parfois à l’excès, d’ailleurs. » Est-ce néanmoins suffisant pour qu’un espace vert soit perçu comme sûr par ses usagers ?
En 2005, l’Agence des espaces verts et l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France ont mené une étude pilote « Sécurité-Tranquillité » sur le parc forestier de la Poudrerie, situé à cheval entre quatre communes de la plaine Saint-Denis (93). Les résultats ont fait ressortir que le sentiment d’insécurité était variable selon les individus. De nombreux éléments participent à cette sensation de malaise : la saleté, les dégradations, le manque d’information, les risques d’accidents, l’isolement ou encore la mauvaise fréquentation. Pour limiter les pratiques illicites, « on évite surtout les zones masquées à la vue qui font écran, permettant aux individus de se dissimuler pour faire usage de drogue par exemple », explique Cédric Enyenge-Essombe. « Il faut absolument libérer la vue dans certaines situations, c’est-à-dire éviter les massifs qui obstruent la visibilité », insiste Loïc Mareschal. Une mesure efficace mais loin d’être suffisante...
À Nantes, l’ancien directeur du service des espaces verts Jacques Soignon – aujourd’hui chargé de mission Prospective Verte pour la ville – n’a, en vingt ans, jamais été confronté à de sérieux problèmes d’insécurité dans les parcs et jardins. Une réussite due à un dispositif rigoureux, basé sur des équipes mobiles de la ville de propreté-accueil-surveillance qui contrôlent les espaces verts en voiture, à pied ou à vélo. À celles-ci s’ajoutent celles déployées par la police municipale, spécialement dédiées aux parcs, jardins et coulées vertes. « On implique toujours les agents en amont des projets pour discuter des choix, du contexte local mais aussi des horaires d’ouverture », précise Cédric Enyenge-Essombe. Une « trentaine de jardins sont d’ailleurs fermés chaque soir pour permettre des contrôles la nuit », ajoute Jacques Soignon. Une mesure qui participe aussi à protéger dans le temps ces « oasis » aux plantations parfois précieuses et fragiles.
Le temps n’est au demeurant pas forcément l’allié des collectivités en matière de sécurité. Selon Cédric Enyenge-Essombe, « les lieux vivent, évoluent : la population change au gré du contexte local, des projets immobiliers, de la démographie... ». « On fait donc souvent des reprises en main, précise Jacques Soignon. Quand on voit que les rassemblements bruyants polluent la vie des riverains ou que la consommation d’alcool et de drogue envahit ces lieux publics, on passe à la vitesse supérieure. L’idée, c’est de ne rien laisser dégénérer. » Cédric Enyenge-Essombe se remémore notamment le square de l’Amiral Halgan, progressivement oublié du service vert de la ville et devenu le foyer de groupements marginaux, à proximité immédiate de la mairie. « On a collaboré à l’échelle des jardiniers pour imaginer ce que ce square pouvait devenir, casser les dynamiques en cours et le rendre plus contemporain, facile à gérer et sûr. » Une transformation qui a donné un nouveau souffle au quartier, attirant notamment des familles satisfaites des nouvelles infrastructures ludiques et de ce regain de tranquillité. Autre problème fréquent, le bruit généré par des rassemblements. « Pour déplacer des regroupements de personnes, il nous est déjà arrivé de recourir à des animaux en éco-pâturage. Cela permet de faire comprendre aux habitants qu’il faut changer leurs habitudes, sans être trop brutal. » Une évolution en douceur qui passe par de la concertation citoyenne.
Le Clou Bouchet à Niort : un quartier devenu très végétal et une place centrale transformée en jardins partagés. © Phytolab.
De manière générale, « la fréquentation des parcs grandit et les règles sont de mieux en mieux assimilées par les citoyens », explique Jacques Soignon. Les riverains sont les premiers concernés par la tranquillité des espaces verts, d’autant plus après une aussi longue période de confinement, c’est pourquoi « en cas de reprises en main, celles-ci s’opèrent en lien avec la police municipale, mais aussi avec les habitants auxquels nous réservons des espaces de jardinage, ajoute le directeur. Depuis vingt ans, cette politique est un succès. Les habitants-cultivateurs peuvent nous informer et prendre soin de ces espaces qui, autrement, pourraient très bien être impersonnels. » Selon Loïc Mareschal, « il faut donner la part belle au collectif : discuter avec les gens du quartier, proposer des promenades botaniques, retrouver le lien social. » Le paysagiste se souvient notamment d’une anecdote sur le projet du quartier sensible du Clou Bouchet, à Niort, dont les espaces publics ont été entièrement repensés : « En arpentant le terrain, je me suis fait repérer par une bande de jeunes qui pensaient que j’étais policier. J’ai eu avec l’un d’eux une discussion sur les amandiers qui est un arbre typique de son pays d’origine. Nous en avons donc prévus ! Au moment de l’inauguration, j’ai recroisé ce garçon et sa mère, ravis que ces arbres aient été plantés et qui m’ont promis d’en prendre grand soin. » Recréer du lien social reste bel et bien un moyen efficace de garantir la tranquillité dans les espaces verts.