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Le cimetière des Gonards, à Versailles, a été primé pour sa politique de végétalisation. © Plante & Cité / Sandrine Larramendy 2016.
Pour faire des cimetières des lieux agréables afin de se recueillir ou de se promener, de plus en plus de villes font le choix de la végétalisation. Cogérés avec les familles des défunts, ces espaces font l’objet de problématiques spécifiques d’entretien avec le développement du zéro-phyto.
La Toussaint sera l’occasion comme chaque année de voir les cimetières refleurir. Mais, en France, en dehors de ce fleurissement traditionnel, et parfois éphémère, les cimetières restent en majorité des espaces minéraux avec des sols en sable, en gravillon ou en enrobé. Quelques communes font toutefois le choix de les végétaliser. 21% des cimetières français sont aujourd’hui en cours de végétalisation1. Quelles raisons expliquent la renaturation de ces lieux de commémoration ?
« Derrière la notion de paysage, la notion très importante à défendre c’est l’accueil. Leur concession pour les familles, c’est un peu chez eux, avec un lien affectif très fort. », explique Marc Houdon, chef du service funéraire d’Angers jusqu’en 2016.
« Tous les agents doivent créer les conditions d’un recueillement apaisé, même le fossoyeur. Nous avons une mission d’accompagnement du deuil et le cimetière doit être un lieu agréable, un lieu de recueillement. »
Au cimetière de l’Est à Angers (49), les plantations, ici des graminées et de la sauge ananas, ont été réalisées avec l’objectif de créer un « bord flou ».
© Plante & Cité / Sandrine Larramendy 2015.
Mais cette végétation n’est pas destinée uniquement aux familles des défunts. À Versailles, le cimetière des Gonards est prisé par les riverains à l’occasion d’un pique-nique, d’un après-midi lecture ou d’une promenade à travers ses 14 hectares de forêt. En temps de canicule, cette activité ne s’est d’ailleurs pas affaiblie, le cimetière végétalisé offrant un espace de fraîcheur. « Les arbres permettent d’atténuer la chaleur produite par les tombes, à la composition très minérale », explique Cathy Biass-Morin. Repenser les cheminements, drainer les sols humides ou encore planter des arbres et des plantes vivaces peuvent ainsi modifier considérablement le paysage d’un cimetière et le faire se rapprocher de celui d’un parc, avec sa diversité végétale et animale.
A gauche : Pourquoi attendre la Toussaint pour fleurir les tombes des militaires ? Au cimetière des Gonards, elles sont en fleur une grande partie de l’année. A droite : Le Jardin de recueillement du cimetière des Gonards est non seulement un lieu de recueillement mais également le théâtre de pauses déjeuner, de séances de lecture et de détente pour les riverains. © Cathy Biass-Morin / Ville de Versailles.
Bien que le cimetière soit considéré comme un espace vert, les enjeux de son entretien s’avèrent plus complexes que celui des autres espaces publics, car impliquant différentes parties prenantes. « Les cimetières sont des espaces morcelés, constitués d’espaces privés – les sépultures que les particuliers louent pour trente à cinquante ans –, où les agents n’ont pas le droit d’intervenir, et les espaces publics, c’est-à-dire les terrains communs, les cheminements et leurs abords », explique Cathy Biass-Morin. Il n’est pas rare que les concessions familiales deviennent de véritables friches, négligées par les familles du fait d’un manque de temps ou de l’éloignement. Or, l’entretien est indispensable. En son absence, des monuments funéraires peuvent se détériorer et constituer un risque de chute, notamment pour les personnes âgées. De plus, la flore spontanée peut s’installer et certaines espèces envahissantes, comme la vergerette du Canada ou la renouée du Japon, prendre racine dans les interstices des monuments et essaimer des graines ailleurs dans le cimetière. Certaines collectivités, comme Versailles, prennent la décision d’entretenir les espaces privés dès lors que les friches représentent un danger.
Bien que les cimetières ne soient pas concernés par la Loi Labbé2, une grande majorité (86%) des collectivités utilisant des pesticides dans leur cimetière souhaite réduire leur emploi (42%), voire les supprimer (44%3). Mais cette transition vers une gestion écologique n’est pas sans conséquence, alors que les surfaces minérales laissent place à l’enherbement, lequel n’est pas toujours bien perçu par les familles. L’absence de produits phytosanitaires entraîne en effet le développement d’une végétation spontanée qui peut faire naître un sentiment d’abandon et de non-respect de la mémoire des défunts. À Versailles, le soutien du maire François de Mazières a été essentiel pour accompagner les familles et les habitants dans cette transformation d’ampleur, en mettant en œuvre une communication transparente (lire l’interview de Cathy Biass-Morin).
Philippe Ferard, botaniste de la ville de Nantes (44), réalise un inventaire de la flore du cimetière Toutes Aides à Nantes, au mois de mai 2017. Plus de 120 espèces différentes ont été identifiées à cette occasion. © Plante & Cité / Sandrine Larramendy 2017.
En parallèle, cette gestion alternative des cimetières est source d’économie à moyen terme. « Le budget alloué aux cimetières versaillais est passé de 30 000 en 2009 à 80 000 € en 2012 puis est revenu à 50 000 € aujourd’hui, insiste Cathy Biass-Morin. Le tout, c’est surtout d’accepter la spontanéité florale… nos ancêtres ont procédé sans produits phytosanitaires au sein des cimetières pendant plus de 1900 ans, pourquoi pas nous ? »
Pour en savoir plus, consulter le guide « Paysage et entretien des cimetières » de Plante & Cité.
1 Étude Plante & Cité réalisée auprès de 233 collectivités françaises du 25 avril au 15 juin 2016.
2 La Loi Labbé du 1er janvier 2017 interdit aux personnes publiques d'utiliser ou de faire utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries. Bien vérifier la définition, ce ne sont pas tous les espaces verts mais ceux qui sont fréquentés par le public.
3 Étude Plante & Cité réalisée auprès de 233 collectivités françaises du 25 avril au 15 juin 2016.